BLACK OAK ARKANSAS: The Devil's Jukebox (2023)
Malgré ses soixante-quinze ans, Mister Jim Dandy Mangrum revient avec un nouvel album. Bon, si le disque est nouveau, son contenu l’est beaucoup moins car il s’agit d’un album de reprises marqué par les sixties et le début des seventies. En 2021, Jim Dandy a perdu son vieux pote Ricky Lee Reynolds. Le guitariste est décédé juste au début de l’enregistrement de ce Devil’s Jukebox. Les deux complices se connaissaient depuis le collège et avaient débuté ensemble leur aventure musicale. Jim Dandy lui rend d’ailleurs hommage au dos de la pochette. Le guitariste Tim Rossi a repris le flambeau et il sait se servir d’une six-cordes. Le reste des musiciens assure bien et l’ensemble reste d’un très bon niveau. Quant aux chansons, elles sont plutôt bien envoyées avec un style très personnel. On notera les reprises suivantes : « Sympathy for the devil » (des Rolling Stones) est assez intéressant, “All along the watchtower” de Bob Dylan (dans la version de Jimi Hendrix) cartonne méchamment. La magie des sixties est à l’honneur avec « California dreamin’ » (The Mamas and the Papas). On appréciera le solo de guitare « killer » sur le « Rock’n’roll woman » du Buffalo Springfield. L’ombre du grand Jimi revient avec « Bold as love » et on a droit à une version musclée du « Southern man » de Neil Young (avec une six-cordes efficace). La ballade aux accents country « Goin’ back » (des compositeurs Gerry Goffin et Carol King) aurait mérité un solo de guitare. Dommage ! Encore du Buffalo Springfield avec une interprétation balaise de « Mr Soul » qui se voit agrémentée d’une guitare presque hard rock. En hommage à son vieil ami, Jim Dandy propose la ballade « Christmas everywhere » (composée par Ricky Lee Reynolds). Bon, tout cela a l’air très bien, tant au niveau du choix des reprises que de la technique des musiciens. Maintenant, il reste une seule chose qui pourrait en dérouter certains. La voix ! Jim Dandy Mangrum chante du début à la fin avec ses croassements de corbeau. Et ce qui n’était qu’un simple effet ponctuel (et qui avait fait sa marque de fabrique) est devenu un style de chant à part entière. Et ça, ça peut lasser à la longue. Cependant, sa voix a dû se transformer au fil du temps car dans des interviews récentes sur le net, il parle de la même façon qu’il chante. S’est-il abîmé la voix ? Malgré ce léger défaut, cette production se révèle de très bonne facture. Et puis, le vieux Jim Dandy restera pour toujours un phénomène inoubliable. Après tout, c’est bien lui le David Lee Roth du rock sudiste (ce même David Lee qui a vu Black Oak Arkansas à ses débuts au Whisky A Gogo à l’aube des seventies et… qui a dû être sacrément influencé par le jeu de scène débridé et les tenues « flashy » de ce chanteur sudiste exubérant). Bien sûr, le style de chant actuel de Jim Dandy peut surprendre. Oui, on est loin de « Jim Dandy (to the rescue) » (paru sur « High on the hog » en 1973) ou de la sublime version de « Dixie » (sur « Street Party » en 1974).
Mais quand un chanteur légendaire sort une galette à soixante quinze balais, il ne faut pas trop faire les difficiles car Jim Dandy Mangrum est un survivant de la grande époque. Et rien que pour ça, il mérite le respect ! Southern rock to the rescue !
Olivier Aubry